Zénon : comment l’infini est peut-il être fini

Version 3 du 22.7.2024


Cet article va traiter de la manière dont Zénon prouve que l’infini peut être à la fois fini et infini.


Selon mon interprétation, ces approches montrent que Zénon ne se contente pas de présenter des paradoxes à résoudre, mais cherche aussi à exposer une pensée logique menant à des connaissances mathématiques réelles sur l’infini. Pour moi, loin d'être de simples paradoxes, les réflexions suivantes sur la pluralité et l’infini qui peut être à la fois fini et infini démontrent que Zénon, par sa brillante intelligence, avait parfaitement compris que l’infini pouvait être contenu dans le fini. 


Les pensées qui suivent peuvent nous en apprendre long sur la manière dont il considérait ses autres paradoxes, notamment ceux sur le mouvement. Il m’apparaît clair que Zénon avait compris que le fini pouvait devenir infini et inversement. Là où aujourd’hui nous croyons réfuter Zénon par la finitude, nous n’avons toujours pas saisi que Zénon avait compris que l’infini se trouvait dans la finitude. Il est donc vain de vouloir réfuter ses idées par le calcul infinitésimal en calculant la finitude des mouvements, comme proposé aujourd’hui dans les paradoxes d’Achille et la tortue ou de la dichotomie comme expliquer déjà dans mes articles connexes : 

Pluralité des grandeur


Voilà comment Aristote rapporte la pensée de Zénon dans son livre intitulé « La Physique » :



« Si la pluralité existe, elle doit être à la fois infiniment petite et infiniment grande : infiniment petite parce que ses parties doivent être indivisibles et donc sans grandeur ; infiniment grande, parce que toute partie sera séparée d’une autre par une autre, cette dernière par une troisième, cette dernière de la première et de la deuxième par une quatrième et une cinquième, et ainsi indéfiniment. »


Pluralité numérique


« Si la pluralité existe, elle doit être à la fois finie et infinie en nombre : numériquement finie, parce qu’il y a autant de choses qu’il y en a, ni plus ni moins ; numériquement infinie, parce que deux choses sont séparées par une troisième, celle-ci est séparée de la première par une quatrième, de la deuxième par une cinquième, et ainsi indéfiniment. »


À première vue, ces énoncés peuvent paraître confus. Zénon semble ajouter des points de manière aléatoire, ce qui donne une impression de désordre et de complexité inutile. La formulation de Zénon, en ajoutant des points entre d’autres points existants, peut sembler chaotique parce qu’elle ne suit pas une séquence linéaire simple. Par exemple, dire que “toute partie sera séparée d’une autre par une autre, cette dernière par une troisième, cette dernière de la première et de la deuxième par une quatrième et une cinquième” semble impliquer une organisation désordonnée des parties.


Voir mon schéma :

Cependant, selon moi, dans la vision de Zénon, l’ordre dans lequel les points sont ajoutés de façon aléatoire a beaucoup d’importance. Ce schéma reproduit la façon dont il propose de séparer les “choses”, qui selon lui sont ces points sans dimension.


En ajoutant ces points de façon désordonnée, il montre que dans l’infini, ces points peuvent être ajoutés aussi bien vers l’extérieur, en direction de l’infiniment grand, qu’entre deux points préexistants, dans l’infiniment petit. 


Cette liberté de créer des points à l'infini dans n'importe quelle direction et à n'importe quel endroit met en perspective que l'infini peut être atteint non seulement par une simple addition linéaire de points, mais aussi par un ajout incessant de nouveaux points entre les points. Il est donc possible d’obtenir un infini même dans le fini. Cette notion que l’infini peut être contenu dans le fini anticipe les idées beaucoup plus tardives de grands mathématiciens comme Georg Cantor.


Georg Cantor a révolutionné les mathématiques en développant la théorie des ensembles et en introduisant les concepts d'infinis dénombrables et non dénombrables. Il a montré que l'infini n'est pas un concept monolithique, mais qu'il existe différents types d'infinis. Par exemple, les nombres rationnels, qui peuvent être exprimés sous la forme de fractions, constituent un ensemble infini dénombrable, car on peut les aligner en une séquence infinie mais ordonnée. En revanche, les nombres réels, qui incluent les nombres irrationnels, forment un ensemble infiniment plus grand et non dénombrable, car il est impossible de les mettre en correspondance un à un avec les nombres naturels.


Cantor a également démontré que certaines séries infinies peuvent converger vers une valeur finie. Par exemple, la série ( 1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 etc à l’infini converge vers 1. Cela montre qu'une infinité de termes peut être "contenue" dans une somme finie, ce qui est une idée qui rappelle les réflexions de Zénon. En insérant des points à l'infini entre deux points donnés, Zénon illustre une forme de cette même idée : l'infini peut être encapsulé dans une portion finie de l'espace.


Ainsi, bien que Zénon n'ait pas disposé des outils mathématiques sophistiqués de Cantor, ses intuitions sur l'infini et la manière dont il peut être contenu dans le fini anticipent des concepts mathématiques qui ne seront formalisés que des siècles plus tard.


Cette réflexion sur la pluralité montre qu’en ajoutant aléatoirement un nombre infini de nouveaux points entre des points existants, il est possible de trouver autant de points entre deux points “A” et “B” préexistants que dans l’infini de l’univers entier. Cela rappelle les travaux de Cantor, selon lesquels il existe des infinis de différentes grandeurs. De plus, certains infinis peuvent converger vers une somme finie, comme dans les paradoxes d’Achille et de la tortue ou de la dichotomie, qui utilisent la série 1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 + … pour montrer qu’un parcours peut être à la fois considéré comme infini et fini.


Pluralité de lieux 


« Si tout ce qui est, est dans un lieu, ce lieu même doit être dans un autre lieu, et ainsi indéfiniment. »


Enfin, cette dernière méditation est ma préférée. En effet, dans cette simple phrase très logique, Zénon démontre que l'univers doit être de nature infinie, indépendamment de notre position dans celui-ci. Peu importe si l'espace est composé de matière ou de vide ; à partir du moment où nous pouvons nous situer par rapport à un lieu — par exemple, la Terre —, il est possible de s’éloigner indéfiniment de celui-ci dans une fusée. Nous pourrions passer de quelques kilomètres à des années-lumière sans jamais cesser de nous trouver dans un nouveau lieu. Cette idée souligne que l'univers est intrinsèquement infini dans sa structure, car il y a toujours un lieu au-delà du lieu actuel.


Cette phrase peut être vue comme un postulat logique, mais elle peut également être mise en parallèle avec mes postulats du vide.


Elle résonne particulièrement fort pour moi qui ai développé les trois postulats du vide. Ces postulats déduisent que :


Si le vide est défini comme l’absence de matière, il n’a pas besoin d’une cause externe pour exister. Ainsi, le vide existe en soi et peut être le seul élément de l’univers à exister sans nécessiter une cause extérieure.

Étant constitué de rien, le vide intersidéral ne peut être contenu dans quoi que ce soit et s’étendrait infiniment dans toutes les directions. Par conséquent, la dimension de l’infini doit exister.

Le vide, dénué de composants et ne nécessitant pas d’origine, aurait existé de tout temps, donc l’éternité existe.

Certains réfutent cet argument en rappelant que le vide n’est jamais complètement vide, mais cela n’a aucune importance dans mon argumentation. La seule chose qui compte ici, c’est que le vide n’a effectivement pas besoin d’être créé pour exister. À partir de là, il devient logique de penser que l’univers doit s’étendre dans toutes les directions.


La pluralité des lieux de Zénon enrichit encore la notion de dimension spatiale infinie. Mes postulats s’appuient sur le vide pour déduire que l’univers doit être infini. La pluralité des lieux, quant à elle, se moque de savoir si le vide s’étend ou non indéfiniment. Elle déduit que, quelle que soit la nature de l’univers et la répartition de la matière dans celui-ci, un lieu se trouve toujours dans un autre lieu. Cela signifie qu’à partir de l’instant où nous avons un seul objet dans l’univers, tous les endroits de l’univers peuvent être définis à une distance finie de cet objet. Ainsi, la sonde Voyager, lancée par la NASA en 1977, se trouvera toujours dans un lieu de l’univers par rapport à la Terre, même si ce lieu ne se trouve nulle part par rapport au "non-bord" de l’infini.


Cet article est libre de droit, merci de mentionner la source : https://dichotomieresolue.jimdofree.com/ 


Olivier Dusong