Pixels de temps à l’échelle de Planck : une clé pour les paradoxes de Zénon ?

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Tentative de résolution

Note : Cet article suit l'évolution des théories. Version 5 du 17.5.2024



En 1998, j'ai entamé une réflexion qui, sans que je le sache alors, résonnait avec les interrogations de Zénon d'Élée, datant de plus de 2500 ans. Ignorant l'existence de ce paradoxe, j'ai instinctivement conceptualisé ce que j'ai appelé le "Parcours Éternel des Moitiés Restantes" (PE/MR).


Le PE/MR ou paradoxe de la dichotomie suggère qu'un objet, pour atteindre son but, doit franchir une zone médiane, puis la moitié restante de la distance, créant une succession infinie de segments de plus en plus petits. La question se pose alors : jusqu'à quel point la distance restante peut-elle être pourvue d’un passage obligé par un milieu tout en gardant une étendue mesurable ?


Cette interrogation a marqué le début de décennies de recherche passionnées visant à élaborer des modèles théoriques pour expliquer ce phénomène contradictoire.


Une trajectoire pixelisé ? 


La question initiale que je me suis alors posée concernait la possibilité de résoudre le paradoxe de dichotomie par un mouvement "pixelisé".


Le fait que le parcours d'un mobile puisse se terminer semble contredire l'idée d'un espace indéfiniment fait de moitiés restantes. Si la distance se réduit progressivement jusqu'à disparaître, et si ce processus n'est pas une illusion, est-il vraiment possible de trouver une moitié restante de manière indéfinie sans jamais réduire l'espace et le temps à des portions si minimes qu'elles en deviendraient inexistantes ?


Pourrait-on envisager que l'espace et le temps soient composés de quanta, semblables à des pixels qui ne posséderaient aucune zone médiane ? Dans cette hypothèse, le mouvement d'un mobile se composerait d'une série de ces pixels, progressant de l'un à l'autre de manière saccadée. Une fois tous les pixels épuisés, le mobile atteindrait sa destination sans obstacle.


Les limites de la pixelisation


Toutefois, si l'on envisage l'existence d'entités si petites qu'elles ne pourraient contenir de milieu, nous nous heurtons à un nouveau paradoxes complexes. Imaginons qu'à une certaine limite, un parcours ne puisse plus avoir de milieu : un objet traversant ce minuscule trajet constaterait que son point de départ et d'arrivée coïncident, annulant toute possibilité de mouvement. Dans ce cas, assembler une infinité de ces "pixels sans milieu" aboutirait à un ensemble de points d'espace nuls, et l’addition d'une infinité de ces points sans dimension résulterait toujours en un parcours nul.


Inversement, si l’assemblage de ces points sans milieu permettait de reconstituer un parcours, alors ces points ne seraient pas totalement dépourvus d'existence et devraient nécessairement posséder un milieu, ce qui réintroduirait le problème soulevé par les paradoxes de Zénon. Ainsi, sans certitude définitive, il m’a semblé que cette solution soit incomplète et s'embrouille dans ses propres contradictions pour le moment. 


Recherche personnelle ultérieure sur les questions de la pixelisation


Des années plus tard, avec l'émergence d'Internet, j'ai voulu savoir si la science avait déjà répondu à cette question. En parcourant divers forums, j'ai réalisé que je n'étais pas seul à envisager la possibilité d'une discontinuité temporelle dans le monde subatomique pour expliquer les paradoxes de Zénon. Beaucoup d'entre vous ont évoqué les échelles de Planck :


Échelles de Planck


En physique, il existe des limites d'espace et de temps en deçà desquelles les lois de la physique macroscopique deviennent insuffisantes pour expliquer les phénomènes à ces très petites échelles. Pour décrire ces phénomènes, nous devons utiliser une autre branche de la physique, appelée la physique quantique. Ces limites sont appelées les échelles de Planck. La longueur de Planck, qui est d'environ 1.616 x 10^-35 mètres, représente la plus petite distance possible et marque la transition vers la physique quantique. En dessous de cette échelle, les effets quantiques et gravitationnels deviennent prédominants, et les lois de certaines parties de la physique classique cessent de s'appliquer de manière significative.


Ainsi, bien que notre compréhension de l'espace et du temps puisse être profondément modifiée aux échelles de Planck, cela ne signifie pas qu'ils cessent d'exister. Cela indique plutôt que notre compréhension doit évoluer pour prendre en compte les effets quantiques exotiques.


Le principe d’incertitude d’Heisenberg 


Un de ces effets exotiques est le principe d’incertitude d’Heisenberg. Celui-ci stipule que nous ne pouvons pas mesurer simultanément avec précision la position et la vitesse d'une particule à l'échelle subatomique. Cette limitation de la mesure peut donner l'impression d'une certaine imprévisibilité dans les positions des particules, qui peuvent soudainement apparaître là où on ne pouvait pas prévoir leur position. Certains, dont moi-même, ont été séduits par l’idée que le mouvement à ces échelles serait chaotique et discontinu, composé de quanta (pixels de temps).


Mais après une investigation plus approfondie, j’ai constaté que, loin d’être discontinu, le mouvement des particules semble fluide et continu. Les expériences menées au laboratoire international de recherche en physique des particules du CERN fournissent des preuves empiriques convaincantes à cet égard.


La preuve des chambres à bulles


Dans ce contexte, les chambres à bulles jouent un rôle crucial. Ces dispositifs, utilisés dès les années 1950, permettent de visualiser les trajectoires des particules subatomiques. Lorsqu'une particule chargée traverse le liquide surchauffé d'une chambre à bulles, elle provoque la formation de bulles de vapeur le long de son parcours. Ces bulles laissent une trace visible de la trajectoire de la particule, que l'on peut ensuite photographier.

Traces de trajectoire de particules observées dans une chambre à bulles.
Traces de trajectoire de particules observées dans une chambre à bulles.

L'observation de ces trajectoires suggère que les particules se déplacent de manière fluide et continue, même à des échelles très inférieures à la limite de Planck en espace et en temps. En effet, l'échelle de ces clichés est très en dessous des limites de Planck. 


Ainsi, cette observation contredit les spéculations selon lesquelles le mouvement des particules deviendrait pixelisé ou discontinu dès le franchissement des échelles de Planck, car si les trajectoires n’étaient pas continues, ces images ne pourraient pas révéler des trajectoires linéaires.


Ainsi, les chambres à bulles offrent une preuve tangible que les lois du mouvement que nous observons à des échelles plus grandes continuent de s'appliquer à des échelles subatomiques. Cela remet en question les idées selon lesquelles l'espace et le temps deviendraient fondamentalement discrets à l'échelle de Planck. Cependant, nul ne peut dire avec certitude ce qui se passe à des échelles encore plus petites, comme le propose la théorie de la gravité quantique à boucles, bien qu'il soit important de noter que cette théorie reste spéculative.


Le mouvement est-il continuellement fait de moitiés restantes du macroscopique au subatomique, ou pourrait-il être considéré comme pixelisé à partir d'un certain seuil dans le monde subatomique ? À l'aube de 2024, cette question fondamentale sur la nature du temps demeure scientifiquement incertaine.


Si l'on pouvait prouver que le temps et l'espace sont constitués de pixels, alors un objet pourrait atteindre sa destination sans devoir traverser un parcours infini de moitiés restantes. Dans le cas contraire, les paradoxes de Zénon persisteraient.


Pour le moment, nous savons qu’à l’échelle des limites de Planck et même très en dessous de ces échelles, le mouvement des particules demeure continu.


La théorie de la relativité générale d'Einstein, un pilier de la physique moderne, avance également que le temps et l'espace devraient être continus, y compris à des échelles inférieures à celle de Planck, ce qui semble pour le moment confirmé par les chambres à bulles. Cette perspective est également partagée par la théorie des cordes. Si tel est le cas, le mouvement pourrait être infiniment divisible, comme le suggèrent les paradoxes de Zénon, rendant la notion de pixelisation du mouvement superflue pour expliquer ces mystères.


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Olivier Dusong