Division matérielle : l'erreur atomiste courante sur le paradoxe

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Version 1 du 1.3.2024


Dans les tentatives de résoudre le paradoxe de la dichotomie de Zénon, une idée fréquemment discutée dans les forums compare ce paradoxe à diviser un gâteau ou n'importe quoi d'autre en deux, encore et encore, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.


Cette approche, que j'appelle la proposition atomiste, suggère qu'on finit par atteindre le dernier atome, expliquant ainsi que le parcours se termine une fois tous les atomes épuisés.


Toutefois, à mon avis, c'est une erreur. Elle oublie que le mouvement ne crée pas de matière et est totalement indépendant de celle-ci.


Considérer les paradoxes de Zénon sous l'angle matériel atomiste est aussi incorrect que réducteur, car le problème soulevé par la dichotomie concerne le déplacement, et le mouvement, n'engendrant pas de matière, ne peut être justement compris en termes atomistes.


Par ailleurs, cette proposition oublie un aspect crucial : le temps. En effet, les paradoxes de Zénon prennent racine dans la dimension temporelle du mouvement.


Un voyage nécessite une zone médiane tout comme il a besoin d'un point de départ et d'arrivée. Cette zone médiane est essentielle pour relier le début et la fin. Le mouvement n'est jamais instantané, comme l'instant où le dernier atome du gâteau le serait.


Le défi est d'expliquer comment un objet peut achever un trajet en passant d'abord par une moitié, puis les moitiés suivantes, créant ainsi une série infinie de nouvelles moitiés à traverser. Le cœur du problème est d'expliquer comment atteindre la fin, la dernière moitié dans le temps.


Les paradoxes de Zénon ne concernent pas seulement l'espace divisé en parties de plus en plus petites. Avant d'atteindre sa destination, un objet doit suivre un ordre temporel précis : l'arrivée ne peut précéder le départ, ni le départ précéder le passage par la zone médiane. Si cela est vrai pour la première zone médiane, on peut postuler que c'est également vrai pour toutes les moitiés restantes. Comprendre cet ordre est difficile. Comment peut-on expliquer qu'un parcours se termine, alors que théoriquement, il ne devrait pas ? Comment l'expérience réelle du mouvement s'accorde-t-elle avec la théorie ?


On ne peut ignorer la théorie non plus. Si on dit qu'il n'est pas nécessaire de passer par une zone médiane, alors on suppose que l'objet peut arriver à destination instantanément, sans temps ni passage par une zone médiane. Cela reviendrait à dire que la téléportation est possible, si c'est vrai, il faudra alors le démontrer par l'expérience.


Une autre erreur serait de penser qu'en divisant l'espace, on finira par avoir une partie si petite qu'on peut l'ignorer. Mais ignorer même une seule moitié ne marche pas, car toutes les parties doivent être franchies pour finir le trajet. Ignorer une moitié, c'est comme dire qu'on peut passer directement du début à la fin, ce qui serait une fois de plus comme une téléportation. Sauf si, à l'échelle subatomique, les règles permettent une telle téléportation, ce qui n'est pas démontré et créerait un nouveau mystère inexpliqué. Omettre une seule moitié restante serait comme ne pas mettre la dernière pièce d'un puzzle et dire que, puisqu'il est presque fini, il l'est complètement, ce qui évidemment n'est pas une manière objective de raisonner.


L'idée d'un temps pixelisé à l'échelle subatomique est à retenir, mais pose également d'autres questions, détaillées dans l'article spécialisé ci-dessous :


Mais de toute façon, comme le mouvement ne crée pas de matière, comparer cela à diviser un gâteau en deux jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien reste une erreur courante de raisonnement qu’il est crucial de corriger.


Note : un passage et non une division


En 1998, j'ai renommé le paradoxe de la dichotomie en PE/MR (Parcours Éternel des Moitiés Restantes) pour clarifier la confusion liée au terme "division". Le PE/MR souligne qu'aller de A à B nécessite de passer par une zone médiane, un passage physique et non une division théorique. Ce passage est aussi crucial pour le mouvement que l'existence d'un départ et d'une fin. Le mouvement, continu et indivisible, est fait de passages et non de divisions, contrairement à ce que suggère la notion de dichotomie, qui évoque un mouvement segmenté ou un choix conceptuel. La nécessité de traverser les zones médianes est une réalité physique. Cela concerne également le paradoxe d'Achille et la tortue, où les étapes pour rattraper la tortue ne sont pas de simples concepts, mais des passages obligés. Ignorer une seule de ces étapes, c'est comme omettre la dernière pièce d'un puzzle, prétendant à tort qu'il est complet parce qu'il est presque fini.


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Olivier Dusong

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